JEAN MARC MORMECK : “J’ai réactualisé la boxe française”

INTERVIEW EXCLUSIVE

C’est au gymnase Marcel Cerdan d’Aulnay Sous Bois que nous avons retrouvé Jean Marc Mormeck, plus affuté que jamais. Moins de deux semaines après son come-back réussi face à Tamas Lodi « The Marksman » est en pleine préparation avec pour objectif final la reconquête de la fameuse ceinture des Lourds Légers, qu’il a déjà glané à six reprises. C’est donc sous les bruits des poings et des chaussures de boxe que nous avons pu questionner le boxeur dont nous avons suivi l’entrainement pendant près d’une heure et demie. Et ce en compagnie de jeunes pousses de la boxe francilienne, ainsi que des valeurs confirmées, notamment Mehdi Bouadla, champion de France des supers moyens.

Entre regard lucide sur sa riche carrière et ambition pour le probable dernier défi d’envergure qui se présente à lui, le natif de Pointe à Pitre s’exprime sans détours et sans langue de bois. Avec franchise et justesse. Avec parfois même un œil critique porté sur le système pyramidal de la boxe française. Rencontre avec le sextuple champion du monde réunifié des lourds légers. En route vers un historique 10e championnat du monde. Et après las Vegas ou encore le Madison Square Garden, le tireur d’élite francilien rêverait bien d’une fin en apothéose au sommet de la boxe mondiale.

 

  • LE COME BACK

Jean Marc, félicitations tout d’abord pour votre victoire face à Lodi. Assez expéditive en 4 rounds. Quel sentiment prédomine suite à ce succès ?

Merci. Heureux. Cela faisait 27 mois que je n’avais pas combattu. Il est vrai que j’avais fait une bonne préparation et cela a permis de voir où je me situais. Mon adversaire était 10e mondial et avait fait un championnat d’Europe WBO. Je voulais savoir ou j’en étais. Je pense que je suis bien mais il reste encore à bosser.

Cela faisait deux ans que l’on ne vous avait pas vu sur les rings. Vous êtes retourné à vos premiers amours les Lourds Légers, catégorie dans laquelle vous avez été six fois champion du monde. Retour difficile sur l’aspect physique et mental?

Non. Difficile non. Moi je pars du principe de Quand on veut quelque chose, il n’y a pas de difficultés. J’ai essayé les poids lourds c’était mon défi (ndlr : Combat vs Klitschko en 2012 à Düsseldorf). Je suis redescendu et j’ai perdu 12 kilos pour retrouver ma catégorie initiale (les Lourds Légers) donc je m’y retrouve bien. J’y ai retrouvé un peu d’explosivité ainsi qu’un peu d’aisance dans cette catégorie. Maintenant faut que j’y travaille encore pour atteindre un vrai bon niveau donc non cela n’a pas été difficile mais justement c’est un plaisir.

Cette victoire vous permet donc d’espérer un éventuel titre de champion du monde. Pour le public néophyte lecteur de mon blog, quelles étapes vous reste-t-il à parcourir pour atteindre ce but ? (au niveau des accords avec les promoteurs/agents/combats restants)

C’est une négociation qui est en train de se faire depuis longtemps. J’ai la chance d’avoir eu un vrai palmarès. J’ai fait neuf championnats du monde, j’en ai gagné six. J’ai été dans les poids lourds, j’ai réunifié les titres. Tout cela me permet de prétendre à un champion qui veuille me défier. Dans le sens en se disant «  avec son palmarès si je le bats donc j’aurais cette référence ». Je suis donc en train de négocier avec les champions des catégories. J’ai fait ce fameux combat de confirmation donc j’ai prouvé que en descendant des Lourds Pour les Lourds Légers j’étais vraiment dans cette catégorie. Cette victoire permet d’être à nouveau classé pour prétendre à un championnat du monde incessamment sous peu.

 

Je pars du principe que quand on veut quelque chose, il n’y a pas de difficultés

 

  • RETOUR SUR SON PARCOURS

J’ai accompli tous mes rêves

Vous avez d’ores et déjà marqué l’histoire de la boxe française étant même à deux doigts suite à votre défaite face à O’Neil Bell à New York de rentrer dans le panthéon des sept français à collectionner les ceintures WBA, WBC & IBF des lourds légers. Pensez-vous que le monde de la boxe en France et les médias en général vous ont reconnu à votre juste valeur ?

Je dirais que non. Mais après tant que je suis en activité j’ai beau le dire mais c’est après en fin de compte… C’est peut être quand j’aurais fini un jour ils diront : « ce garçon il a fait il a rivalisé et il a fait les performances qu’il a fait ». Aujourd’hui je pense qu’il ne faut pas s’inquiéter de cela, il faut plutôt finir sa carrière sur une bonne note en faisant peut être mon dixième championnat du monde c’est ce que j’essaye de faire. Il y a aussi la reconversion. Il faut aussi que la reconversion soit aussi brillante que la carrière. C’est ça qui m’intéresse plus.

Vous avez choisi de partir aux Etats Unis et de faire équipe avec Don King avec le succès que nous connaissons. Était-ce uniquement pour des raisons sportives avec des perspectives d’évolution que vous n’avez pas trouvé en France ? 

Forcément on l’a vu. La plupart des boxeurs qui ont évolué en France avec les promoteurs qu’ils y avaient on a vu ce qu’ils ont fait. Je pense que j’ai prouvé qu’en partant vers les Etats Unis j’ai fait ce que ces boxeurs n’ont pas réussi à faire. J’ai accompli tous mes rêves. J’ai boxé au Madison Square Garden j’ai fait les réunifications qui n’ont jamais été faites j’ai pris la ceinture de RING Magazine que l’on n’avait pas eu depuis 1956. J’ai réactualisé toute la boxe. J’ai tout repris, j’ai tenté des choses du moins. Je dirais que cette association avec Don King m’a permis de dire aux boxeurs qu’a un moment donné il faut vous prendre en main et que si vous partez si vous vous prenez en main vous pouvez réaliser des choses.

Ou il y a-t-il d’autres aspects qui ont fait pencher la balance ? Nous savons que vous avez eu des démêlés d’ordre financiers et relationnels avec les frères Acariès et plus particulièrement Louis…

Après comme je l’ai dit, il y a les promoteurs… On nous dit que nous sommes dans le « pays des Droits de l’Homme » donc il y a ces promoteurs qui avaient le total monopole sur les boxeurs et on devait faire ce qu’ils voulaient. Moi je suis contre toute injustice donc je me suis battu car j’ai perçu cela comme une injustice. Je suis parti pour leur montrer que même ailleurs on peut faire aussi bien voire mieux qu’eux. Moi c’est juste ça que je voulais prouver. Je suis prisonnier de personne ni esclave de qui que ce soit. Cette liberté, nous l’avons et je m’en suis servi en partant et en faisant ce que j’avais à faire. Après eux (Frères Acariès) je m’en occupe pas ce ne sont pas mes amis et ce ne sont pas des gens que j’affectionne tout particulièrement, si vous voyez ce que je veux dire.

Je suis prisonnier de personne ni esclave de qui que ce soit

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  • SA VISION DE LA BOXE EN FRANCE

Quelles différences notables constatez-vous entre les Etats Unis et ici dans l’approche de ce sport ?

Il y a un monde qui nous sépare. Ils sont beaucoup plus en avance et évolués que nous. On voit bien les champions du monde qu’ils ont sont encore sur le marché tandis que nous les français nous y sommes plus.

Est-ce pour contrer ce type de promoteurs que vous jugiez « has been » (dans votre autobiographie « a poings nommés » en 2009) ou du moins pour insuffler une nouvelle dynamique à la boxe française (notamment dans le rapport promoteur-boxeur) que vous avez pris sous votre aile des valeurs sûres, notamment le médaillé d’argent à Pékin Khedafi Djelkhir ?

Je pense que c’est pour insuffler d’autres valeurs. Pour dire aux autres boxeurs à un moment donné arrêtez de vous plaindre. Vous êtes brimés, vous êtes ceci vous êtes cela etc… prenez-vous en main ! Moi qui suis un petit garçon de banlieue qui a réussi à en sortir je me suis pris en main et je suis où j’en suis aujourd’hui en réussissant à faire ce que j’ai fait. Donc si je l’ai fait moi il y en a plein d’autres qui peuvent le faire et c’est juste pour leur insuffler quelque chose de nouveau en leur disant « allez-y quoi » ! Et vous allez réussir à faire ce que vous voulez faire. Il suffit juste de se prendre en main et puis d’avoir du courage

J’ai envie de dire aux autres boxeurs : PRENEZ VOUS EN MAIN!

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  • SES ORIGINES

La banlieue? Elle a fait ce que je suis devenu aujourd’hui

Enfant de l’Abreuvoir à Bobigny et ayant fait en partie vos gammes à Drancy si je ne dis pas de bêtise ? Dans quelle salle ?

Dans la salle juste en dessous de la piscine en effet. J’ai commencé avec Akli et Charlie et c’était très bien.

Nous savons que vous êtes quelqu’un ayant toujours mis en avant ses origines, véritable terreau de votre ascension. Je pense à votre fameux « Ville De Pantin» arboré lors du combat face à Braithwaite à Worcester en 2005. Qu’est-ce que la banlieue vous a apporté dans votre réussite professionnelle ?

Ce que je suis aujourd’hui. La détermination, la combativité le dépassement de soi. Toutes ces valeurs qu’on retrouve dans le sport et que j’ai retrouvé dans la boxe. C’est-à-dire de vouloir s’en sortir. Quand on vient du plus bas de toute façon on ne peut pas descendre plus bas. Il fallait donc remonter et cela m’a permis d’acquérir de la combativité et la force de me battre, de ne jamais rien lâcher. De toute façon je ne pourrais qu’avoir du meilleur.

A maintenant 42 ans, vous êtes quasiment à la fin de votre carrière. Si vous deviez garder trois moments fondateurs de votre parcours, lesquels ce seraient ?

JMM : qu’est-ce que vous appelez moments fondateurs ?

Les tournants de votre carrière qui vous ont fait passer dans une autre dimension si je puis dire.

Si je dois dire ça je dirais tous les trophées que j’ai pris en commençant par les Championnats de Paris et par les premiers challenges. C’était les premières petites compétitions et c’est ce qui impulse une dynamique. En devenant champion de quelque chose même si c’est rien par rapport au truc mais c’est beaucoup pour quelqu’un qui se donne du mal et c’est ce qui m’a permis à chaque fois de vouloir grimper les échelons et de vouloir y rêver à prétendre à un Championnat de France puis à un Championnat d’Europe. Puis à un Championnat du monde. C’est ce qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui.

Donc je me dis que tous les efforts que j’ai fait… tous les jours où je me suis levé le matin très tôt en me disant que les autres ne font pas ce que je fais donc c’est pour ça que je deviendrais champion du monde.

Quand on vient du plus bas de toute façon on ne peut pas descendre plus bas, il fallait donc remonter

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  • SON ULTIME DEFI

J’ai toujours voulu une dimension internationale voire mondiale.

Vous avez parlé de l’Afrique ou du Grand Palais comme point culminant de la reconquête du titre des Lourds Légers. Quelle serait la fin idéale pour « The Marksman » le tireur d’élite ?

La fin idéale serait dépendante de cette question : quelle dimension on veut donner ?

J’ai toujours voulu une dimension internationale voire mondiale. Si on fait le Grand Palais c’est de faire après marcel Cerdan qui est une figure nationale voire internationale car il y a eu ce qu’il y a eu la fameuse romance avec Edith Piaf. (Marcel Cerdan reste à ce jour l’unique boxeur français à avoir combattu dans l’illustre antre parisienne en Mai et Juin 1974)

Et si je fais L’Afrique, ce serait dire sans prétentions bien sûr et avec beaucoup d’humilité de dire : « j’aurais combattu sur le même territoire qu’Ali » (à Kinshasa le 30 octobre 1974 lors du fameux « The Rumble In The Jungle » face à Foreman). Donc les deux c’est pas mal.

Qu’est-ce que nous pouvons vous souhaiter aujourd’hui pour la suite de votre carrière et pour votre vie personnelle ?

Ce qu’on dit toujours : juste bonne chance ou bon vent, moi ça me suffit !

Merci Beaucoup Jean marc Mormeck et bonne continuation en espérant pouvoir vous reinterviewer avec la ceinture de champion du monde autour de votre taille !

 

Finir en Afrique? Ce serait dire avec beaucoup d’humilité que j’aurais combattu sur le même territoire qu’Ali

 

Walid KACHOUR (@WalidKachour)

 

L’enregistrement de l’interview : https://www.youtube.com/watch?v=F05T-0WFzPo&feature=youtube_gdata

 

Pour suivre toute l’actu de Jean Marc Mormeck :

Facebook : Jean-Marc Mormeck OFFICIEL

Ou encore @JMMormeck