BILLET D’HUMEUR BRESILIEN: JOUR 7

NUMERO 4 : REINE ESPAGNE OFFICIELLEMENT DESTITUEE DE SA COURONNE.

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Ce 18 Juin 2014 fera date dans le grand livre de l’Histoire des Coupes du Monde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le Tome 20 se souviendra de l’élimination du Roi du football mondial de manière aussi foudroyante que surprenante. La Roja a en effet dit adieu à ce Mondial brésilien. Quoi de plus beau que de tirer sa révérence dans l’un des plus beaux lieux de représentation de l’art footballistique : le Maracaña de Rio De Janeiro. Le Chili enivré par l’actuelle fièvre touchant les matchs des nations sud-américaines (souvenez-vous de la vague jaune colombienne lors du Colombie-Grece) a littéralement croqué les ibériques pour s’imposer 2 à 0 au terme d’une partition tactique et collective rodée de la première à la dernière minute. Emmenés par leurs stars Alexis Sanchez et Arturo Vidal, les joueurs de Jorge Sampaoli sont assurés de disputer leur deuxième huitième de finale consécutif depuis 1998 et la génération dorée des Marcelo Salas ou encore Ivan Zamorano. L’Espagne a écroulé en 180 minutes et 7 buts encaissés le château de cartes qu’elle avait bâti en l’espace de quatre ans. Fait de trophées et d’une réinvention de l’approche de ce sport, symbolisée à l’échelle des clubs par le triomphe du Barca de Guardiola et son fameux « tiki-taka » (locution destinée à exprimer une idée de jeu fondée sur la possession permanente et un jeu de passes courtes et répétées dans de pétits périmètres afin de faire déjouer l’adversaire et trouver la faille). Paradoxalement, cette Espagne a rarement fait l’unanimité chez le public mondial : une certaine jalousie peut expliquer cela, de voir cette génération dorée arrivée à maturité rafler tout ce qui se présentait à elle, les deux euros et la coupe du monde 2010. Mais aussi une équipe qui n’a pas confirmée dans les chiffres durant ces grandes compétitions victorieuses les préceptes prônés par les grands de la Liga. Dois-je vous rappeler que la Roja, c’est moins de 2 but/ match durant l’euro 2008, quasiment 1 but/match durant le Mondial 2010. Donc oui cette équipe pouvait parfois être agaçante à voir jouer, évoluant sans véritable attaquant puisque le danger venait de partout. Ce que nous devons en revanche reconnaitre, c’est que cette formation a offert une densité hors normes en termes de  potentialités tactiques avec l’un des effectifs les plus riches de l’Histoire de ce sport. Un milieu monstrueux, symbolisé par les Xabi Alonso, Iniesta ou encore Xavi. Des latéraux jouant comme ailiers, le plus beau symbole étant Jordi Alba qui propulse le ballon du 2-0 en finale de l’Euro 2012. Des avants centres redoutables (Villa, Torres) et une défense de loubards tout aussi physiques que raffinés dans la lecture tactique (Puyol et Ramos). Ajoutons à cela deux symboles phares créant une unité entre le crew « FC Barcelone » et le crew « Real Madrid » à une période où les clasicos étaient électriques, à savoir Vicente Del Bosque et Iker Casillas, et vous aviez la recette du succès garanti. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé : les cadres sont vieillissants, l’attaque est balbutiante, symbolisée par un Diego Costa qui n’a pas assumé la lourde charge placée entre ses pieds et qui n’a toujours pas cadré la moindre frappe. Ajoutons à cela une défense et un portier perdant leurs certitudes en l’espace de quelques minutes et vous avez certains éléments d’explication de cet échec cuisant. Mais je ne m’interdis pas de penser que la « théorie de la satiété » est une clé de résolution du casse-tête espagnol. Je m’explique : quand plus de la moitié de l’effectif présent cette année au Brésil a remporté les trois derniers titres majeurs en sélection, plusieurs ligues des Champions et Liga avec leurs clubs et j’en passe, n’y va-t-il pas inconsciemment une perte d’influx qui provoque inconsciemment une baisse de régime ? Seuls les joueurs ont la réponse. Autre question en suspens : le coaching de Del Bosque est-il à pointer du doigt ? A mon humble avis, oui. Compter sur un Diego Costa qui n’a fait qu’une seule saison monstre et qui a fini la saison avec du sang de Jument pour disputer la finale de la Ligue Des Champions et un Torres qui n’est plus que l’ombre de celui qui marqua le but de la finale lors de l’Euro 2008, n’était-ce déjà pas se tirer une balle dans le pied ? Quand nous savons que le natif de Salamanque s’est passé des services d’un Negredo qui a claqué plus de 20 buts pour sa première saison en Premier League et d’un Llorente beaucoup plus accoutumé au schéma tactique de la Roja ces dernières années, je me dis que le Vicente a voulu innover dans le vide. En tous les cas, même si je ne suis pas un aficionado absolu de cette équipe qui m’a souvent fait plus ragé que jouir devant mon poste de télévision, il faut reconnaitre que l’Espagne a imprimé un air de flamenco au monde du football mondial, qui a parcouru aussi bien la sélection que les clubs , encore cette année avec Madrid et Séville vainqueurs des deux coupes d’Europe en 2014. Le tout avec une philosophie de jeu qui a inspiré plus d’un tacticien et régalé des millions et pour cela, grand respect. Ce sport est fait de cycles et il faut reconnaitre que l’un d’entre d’eux, surement le plus beau de l’histoire de cette nation, s’achève. Pour combien de temps, ça je ne le sais pas. Fin de la toute puissance du modèle de jeu espagnol à l’echelle des clubs pour la saison prochaine ? Encore bien trop tôt pour tirer des plans sur la comète, mais nous pouvons soulever ce questionnement. Tout ce que je peux dire ce soir c’est : Baisser du rideau rouge. Pour au moins deux ans, d’ici l’Euro 2016.

Mais respect aussi à cette formidable équipe du Chili, qui a réalisé le match parfait et qui s’inscrit dans la lignée durant ce Mondial des nations du continent américain qui feront office d’épouvantails et plus si affinités durant la compétition (Mexique ou encore Colombie). Une nation de plus à surveiller pour la suite de la compétition et qui jouera la première place du groupe B face au Pays Bas dans quelques jours.

Le match de 18h a opposé l’Australie aux Pays Bas. Tout le monde, moi en tête attendait l’orange sanguine faire du grabuge face aux Socceroos mais ce sont bien les Kangourous qui se sont montrés plus que bondissants. Jouant avec leurs moyens, les coequipiers de Tim Cahill (inscrivant le plus beau but de ce mondial pour égaliser moins de trente secondes après Robben) ont montré un visage très séduisant, pratiquant un football détonnant, rafraichissant fait de projections vers l’avant très rapides et d’une volonté quasi constante de porter le danger dans le but adverse, au lieu de se contenter de placer deux lignes de 4 resserées dans les trente derniers mètres. Une lecon de tactique pour les petites nations qui se contenteraient de la jouer petit bras dans ce mondial aux orgies de buts et dont celui qui voudrait gacher la fête visuelle des millions de spectateurs serait vu comme un tricheur. Mais les tricheurs du beau jeu seront plus que jamais rattrapés par la patrouille. Même si l’Australie est aujourd’hui éliminée puisqu’elle a perdu 2-3, elle sort avec les honneurs et le respect du monde du football. Mieux faut perdre 2-3 qu’1-0 je dirais en ayant défendu 90 minutes. Bravo à vous les australiens, vous m’avez regalé durant ce match. Les joueurs de Postecoglou auront même mené 2-1 et ont loupé la balle de match lorsque le compteur était bloqué à 2-2 lorsque l’attaquant Leckie se retrouve obligé de propulser la balle de 3-2…de la poitrine suite à un ballon mal donné par son coéquipier. Trente secondes plus tard, Memphis Depay donne la victoire aux Pays Bas. Le football est un sport tout aussi cruel que magnifique.

Journée de folie qui a vu la destitution de son trône du Roi ROJA et qui a failli voir les Pays Bas qui en plantaient cinq à l’Espagne il y a encore 4 jours se faire battre par le petit poucet de ce groupe. Quand je vous dis que ce Mondial est fou et qu’il recompensera pas la plus belle somme d’individualités. Mais la cohérence collective, le panache et la fierté de jouer pour sa nation dans le plus beau pays de football.

Rouge de honte, rouge de tristesse ou encore rouge de surprise ce soir? Peut-être. Rouge de joie face à ce spectacle hallucinant commencé il y a huit jours ? Surement.

Walid KACHOUR (@WalidKachour)